Allocution au stage de mars 2017

 

Monsieur le Président de la SJLLF, Madame l’attaché de la coopération du français, Madame la Secrétaire Générale, Madame la Directrice des cours à l’Institut français de Tokyo, chers stagiaires et chers collègues,

En tant que président de la SJDF, je suis très honoré de prendre la parole en ce début de stage pour vous féliciter de votre participation à cette formation.

Vous avez choisi le métier d’enseignant de français dans une conjoncture difficile où l’utilitarisme domine le paysage éducatif au Japon, consacrant une sorte de monopole linguistique de l’anglais, ou plus exactement de l’anglo-américain, et en évinçant les autres langues comme si elles ne servaient à rien. Votre choix ne manque pas de courage.

Je sais bien que vous avez déjà suffisamment incorporé, au moment d’entrer dans le métier d’enseignant, ce capital culturel, comme disait Bourdieu, que représente votre compétence en français, et cela a été sanctionné par des diplômes prestigieux délivrés par des universités japonaises et françaises. Pourtant vous n’êtes certainement pas tombés dans la piège des représentations ordinaires sur l’enseignement, où l’on imagine que plus on possède des titres élevés, moins on a besoin d’être formé. Cette remarque de Louis Porcher, didacticien qui a innové dans le champ du français langue étrangère, ne s’applique heureusement pas à vous puisque vous avez décidé de continuer votre formation pour mieux vous approprier la méthodologie du français. Au cours de ces quatre jours de stage, vous allez certes augmenter votre capital culturel et pédagogique de manière ce qui vous permettra de donner un nouveau sens à ce que vous avez appris durant vos propres années d’études. Avant vous étiez devant le tableau noir pour apprendre la langue, tandis que dès maintenant pour les uns ou depuis un certain moment pour les autres, vous vous trouvez de l’autre côté du bureau en ayant peut-être oublié que vous avez aussi été des apprenants de français auparavant. A cet égard, on peut dire que le métier d’enseignant a ceci d’ingrat qu’un apprentissage réussi consiste à oublier le processus même d’apprentissage qui a fait de vous ce que vous êtes, et, pour reprendre une autre expression de Louis Porcher, on peut résumer cette situation paradoxale en disant que l’apprenant à la fin de son apprentissage a oublié « qu’il avait appris un jour la compétence qu’il croit aujourd’hui avoir toujours possédée. » (Porcher, 1990, p. 56).

Chose curieuse, ce parcours d’apprentissage est destiné à être oublié par nos étudiants lorsqu’ils réussissent leurs examens et prouvent ainsi qu’ils possèdent la compétence en français que nous souhaitons leur faire acquérir. La réussite du parcours repose sur un oubli presque total de celui-ci, sauf sur un point qui est le style de l’enseignant. Nous nous souvenons plus facilement du comportement de nos professeurs et de leur manière d’enseigner que du contenu de leurs cours. Désormais, nous sommes, vous et moi, comme des acteurs sur la scène de l’enseignement, et nos attitudes, nos regards, nos gestes, bref notre manière d’être sont des composantes déterminantes pour nos apprenants.
Par conséquent, vous allez au cours de ce stage apprendre à travailler votre jeu d’acteur, avec comme rôle principal celui de l’enseignant de langue, et je tiens à vous signaler que le suivi en sera assuré par la SJDF, qui organise du 20 au 24 septembre à Kyoto le congrès régional de la Commission Asie Pacifique de la Fédération Internationale des Professeurs de Français, la FIPF, dont la SJDF est un membre fondateur depuis 1970. Un parcours de formation complémentaire vous attend au congrès régional avec six ateliers de formation, animés par des experts internationaux de premier ordre. Je vous invite donc à nous rejoindre pour participer à ce congrès régional et à devenir, vous aussi, membre de la SJDF et de développer ainsi vos compétences comme acteurs pédagogiques de premier plan.

Je vous souhaite donc un stage fructueux et j’espère vous retrouver tous, en septembre, au congrès régional de Kyoto.

NISHIYAMA Noriyuki,
Président de la Société Japonaise de Didactique du Français (SJDF)

 

Porcher, Louis (1990), « L’enseignement comme spectacle : une formationutile », Quelle formation en didactique du francais langue étrangère ? Actes du Colloque de Bagfni de Lucca 29-30-31 octobre 1987, Publication de la Sorbonne nouvelle, 155 p.